Le général Challe prend se décision

Lorsqu'il apprit que le général de Gaulle devait tenir une conférence de presse le 11 avril, Maurice Challe annonça aux conjurés qu'il leur donnerait sa réponse définitive le 12 au matin. Les colonels renâclèrent un peu. Encore dix jours perdus ! Mais sans Challe la tentative était désespérée. Il fallait attendre: Et profiter de ce temps mort pour tout organiser dans les moindres détails.
Sous la guitoune la fumée des « troupes » stagnait en lourds nuages bleutés au-dessus de la lampe à acétylène. Les officiers du 18' R.C.P. en opération de contrôle dans l'Aurès se pressaient autour du colonel Masselot. Sur une table pliante, au milieu des verres, un transistor grésillait. C'était l'heure des informations. Ce 11 avril, Radio-Alger retransmettait les principaux extraits de la conférence de presse du général de Gaulle.
Du haut-parleur dont le plastique blanc vibrait à chaque éclat de voix, sortaient des mots dont le moindre frappait ces officiers paras au point le plus sensible : l'Algérie.
Depuis Brazzaville, disait la voix, je n'ai jamais cessé d'affirmer que les populations qui dépendaient de nous devaient pouvoir disposer d'elles-mêmes...
Aux yeux de la France, ce qui est en cause par­dessus tout, c'est l'avenir de l'Algérie. Le cessez-le-feu, l'autodétermination, ce sont des préliminaires qui sont destinés à ouvrir à l'Algérie sa route. Dans le monde actuel, et à l'époque où nous sommes, la France n'a aucun intérêt à maintenir sous sa loi et sous sa dépen­dance une Algérie qui choisit un autre destin ; et la France n'aurait pas intérêt à porter à bout de bras l'existence des populations dans une Algérie qui serait devenue maîtresse d'elle-même et qui n'offrirait rien en échange de ce qu'elle aurait à demander... Cet Etat, poursuivait le président de la République, sera ce que les Algériens voudront. Pour ma part, je suis persuadé qu'il sera souverain au-dedans et au-dehors. Et encore une fois, la France n'y fait aucun obstacle.
La décolonisation est notre intérêt et par conséquent noire politique. »

C'en était trop. Les cris, les hurlements des jeunes hommes en colère couvraient la voix exécrée. Les injures fusèrent. Masselot leur fit signe de se calmer. On savait que le colonel partageait ces opinions mais c'était tout de même le colonel. Les cris cessèrent; remplacés par une conversation animée.
Mon colonel, dit un capitaine, c'est pourtant bien vrai que si nous partons ce seront les Russes ou les Américains qui nous remplaceront. Vous avez entendu sa réponse, dit un autre : je leur souhaite bien du plaisir. Et tout ceux qui se sont engagés à nos côtés, tous ces musulmans, on va les laisser se faire égorger par les fellouzes ?
Ça, il n'en dit pas un mot. Ce n'est pas son affaire. Oui... mais c'est la nôtre. On ne peut pas laisser commettre un pareil crime après toutes les promesses que nous avons faites... Masselot sourit. Le sourire était amer mais cachait aussi beaucoup d'espoir. Ne vous en faites pas, mes enfants, dit-il, cela ne se fera pas. On est encore prêt à se sacrifier pour garder notre terre à la France... »
Un hurlement d'approbation répondit au colonel. Oui, de braves petits gars. Avec lesquels on ferait rentrer dans la gorge les propos de la « Grande Zohra ». Ce même soir à Paris Challe avait pris sa décision. Il avait attendu de voir plus clair dans la politique de De Gaulle avant de se lancer. Cette fois, c'était évident, le Général rejetait l'Algérie hors de la France en souhai­tant aux autres « bien du plaisir ». Il ne fallait plus attendre. Pour Challe, c'était oui.

challe et parachutistes
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